Le discours en vidéo
L’intégralité du discours (transcription)
Dakar, le 4 mars 2023
Chers journalistes,
Je parle en ma qualité de député du peuple.
Permettez-moi d’abord de vous remercier de vous être déplacés en ma qualité de député et de président du parti la République des Valeurs.
Je voudrais d’abord présenter mes sincères condoléances à tous ceux qui ont perdu la vie lors des événements de ces derniers jours.
J’ai une pensée émue à l’endroit de leurs proches.
Merci de leur accorder une minute de silence
A l’heure actuelle, des centaines de jeunes s’entassent dans les lieux de détention. Il y a, à l’encontre de certains d’entre eux, des soupçons de mauvais traitements. C’est ainsi que notre ami Lansana Diarrisso, embarqué dans une fourgonnette selon des témoins alors qu’il était blessé, a été rendu mort à sa famille.
De même, des images insoutenables du lynchage public d’un agent de police circulent. Fort heureusement, ce dernier a échappé au sinistre sort qui lui était souhaité par quelques jeunes en furie. Cela vient après que, dans la ville de Dakar, un vigile a été tué pour avoir été pris pour un policier.
La haine est en train d’être semée et entretenue entre compatriotes, selon qu’ils soient d’un camp ou de l’autre, selon qu’ils soient membres des FDS ou des citoyens.
Mais plus grave, le Président Macky Sall a accentué la manipulation de la Justice jusqu’à ce que plus personne ne croit à l’indépendance de celle-ci. Jusqu’à ce qu’un grand juge tourne le dos à la Justice en affirmant sans ambages : « Je démissionne d’une justice qui a démissionné. »
Les preuves sont flagrantes des atteintes à l’égalité des citoyens devant la loi.
Le traitement du rapport de la Cour des comptes sur l’utilisation des fonds de la Covid-19, en est un parfait exemple. Alors que les citoyens attendent un jugement exemplaire des mis en cause, certains sont promis à des postes et se retrouvent à gérer des fonds conséquents.
La justice, au Sénégal, semble aujourd’hui être utilisée à des fins politiques et politiciennes. Des dossiers judiciaires sont mis sous le coude ; d’autres sont accélérés pour liquider des adversaires ou sont brandis pour menacer des adversaires politiques.
Le dernier exemple en date est l’affaire des fonds du ministère des sports consacrés aux campagnes des Lions du football pour la Coupe du monde.
L’opinion ne sait plus à quelle justice se fier. Nous l’avions dit et répété, la mort de la justice est la mort de la république.
Dans le même sillage, Macky Sall a détricoté le Code électoral de 1993 qui était transparent et dont beaucoup de pays africains ont adopté.
Il a éliminé certains adversaires par le parrainage et d’autres par des méthodes sorties de sa manche.
Que croyait-il ? À trop jouer la carte de l’impunité, le retour du bâton ne pouvait qu’être violent.
Et nous risquons le pire aujourd’hui.
C’est dans ce contexte qu’est arrivé le verdict du 01 juin.
Chacun de nous s’est fait sa propre religion. Cela a suscité diverses réactions dont des manifestations plus ou moins spontanées.
Dès le 16 mai 2023, au constat du climat de terreur qui s’installait dans le pays, la République/Reewum Ngor des Valeurs a produit un communiqué d’alerte. Nous disions en substance :
« De nombreuses vies humaines ont déjà été perdues. Des destructions considérables de biens publics et privés ont été enregistrées et vont continuer à l’être. Des listes rouges de citoyens à punir circulent au vu et au su de tous.
Gardons nous, par notre acquiescement par mutisme ou par incitation d’installer une culture permanente de la violence en provoquant un processus d’attaques et de vendetta. »
Certes le mouvement populaire est nécessaire pour faire entendre raison à Macky Sall. Les avancées démocratiques obtenues au Sénégal l’ont été toutes grâce au pressions populaires.
J’ai, personnellement, toujours défendu le droit constitutionnel de manifester, même lorsque j’étais dans le gouvernement.
Tout en reconnaissant et en défendant les libertés fondamentales, nous ne pouvons fermer les yeux face à ces images de dégradations et de saccages des biens publics et privés. Nous ne devons pas en arriver à ce stade où tout part en fumée, où le policier et le jeune qui habitent le même quartier, la même maison, qui vivent les mêmes angoisses d’un pays saboté par ses dirigeants en arrivent à devenir des ennemis irréductibles, à se haïr et à s’entretuer.
Hélas, nous le constatons, rarement le niveau de violence est arrivé à ce paroxysme au Sénégal.
Même dans les pays où des millions de personnes sont descendus dans la rue pour faire la révolution, des universités n’ont été brûlées, les biens privés pris pour cible.
ll ne faut pas non plus que la cohésion nationale et sociale soit menacée.
Le Sénégal n’y survivrait pas et ce seront encore les plus vulnérables ainsi que cette jeunesse malmenée qui en paieront le prix fort.
C’est pourquoi nous appelons à la retenue et à la responsabilité. Tout brûler ne sera jamais la solution. Les conséquences post-crise d’un pays à feu et à sang seront néfastes sur le plan économique et académique. Des écoles et des universités brûlées, c’est une partie importante de la jeunesse qui sera encore sacrifiée. Sur le plan socioculturel, gardons nous d’attiser les haines. Sous ce point nous invitons énergiquement à éviter les discours stigmatisants. Tous les révolutionnaires le savent, des actions mal dirigées peuvent rendre la réaction et la répression plus fortes.
Nous terminons en disant au président Macky Sall de revenir à la raison.
Il doit renoncer à sa candidature à un mandat de trop.
Il doit organiser des élections transparentes sous l’égide d’un ministre de l’Intérieur impartial.
Il doit revenir aux dispositions du code électoral de 1993 qui a permis deux alternances plus ou moins pacifiques.
C’est la seule lecture à tirer des années de violence sans précédent qui rythment son second mandat.
Nous devons en finir avec une république à deux vitesses, qui piétine le faible, oublie le pauvre et sacrifie sa jeunesse pendant qu’une minorité se festoie.
Que la paix et la concorde règnent pour toujours au Sénégal !
Je vous remercie.
Thierno Alassane SALL